Quelles perspectives après ce fort rebond des marchés ?

17 novembre 2020

Réflexion

Les élections américaines et les perspectives imminentes d’un vaccin chez Pfizer ont redonné des ailes aux bourses mondiales… Mais en réalité qu’en est-il ? Comment la finance mondiale en une semaine peut-elle reprendre plus de 10% sur des incertitudes à peine levées voire toujours présentes ?
« Tout va mieux la bourse remonte ! » : voilà donc le nouveau mantra économique issu de la célèbre méthode Coué basée sur l’autosuggestion et l’autohypnose. N’en déplaise à beaucoup, tout ne va pas mieux, et comme rien n’est certain tout n’est pas pire non plus, jusqu’à présent en tout cas…

D’un point de vue technique

Le Price Earnings Ratio (PER)

La bourse n’est pas le reflet de la situation économique et ceux qui pensent que la valeur d’une action reflète fidèlement sa valeur économique se trompent lourdement ! Les marchés par nature anticipent (ou tentent désespérément de le faire) les résultats des entreprises. Le meilleur moyen de le comprendre est le Price Earnings Ratio (PER) soit le rapport cours/ bénéfices net par action.
Entre 10 et 20, le PER signifie que la valeur d’une action est cohérente. En dessous de 10, que le titre peut être une bonne affaire et est sous-évalué, ou que la société est en potentielle difficulté pour créer de la valeur (on anticipe de futurs déficits).
Au-dessus de 20, le PER signifie que l’on anticipe une forte progression des résultats ou que l’action est surévaluée. Au-dessus de 25, c’est entrer dans le monde quantique de la spéculation donc « no comment » ! Alors que dire du PER 2020 de certaines entreprises du secteur du luxe comme LVMH avec un PER 2020 estimé autour de 40… Cela signifie « qu’elle se paie 40 fois son bénéfice 2020 ». Pour autant LVMH est une valeur à avoir en portefeuille pour son potentiel en Asie notamment.
Bien sûr le PER à ses propres limites : il ne prend pas en compte le niveau de trésorerie et d’endettement, et les experts-comptables le comprendront aisément, s’appuyer sur le résultat net c’est « jouer jeu du Bonto » avec les amortissements et provisions. Mais c’est un bon indice de comparaison pour s’intéresser à des entreprises d’un même secteur ou comparer des marchés boursiers entre eux. Il faut cependant le coupler avec d’autres ratios tels que le Price-To-Book ratio qui est la comparaison entre la valeur boursière et la valeur comptable par exemple.

Les indices boursiers

Les indices boursiers phares (Cac 40, DAX, DOW etc…) sont de mauvais indicateurs car trop restreints et souvent peu diversifiés en matière de secteurs économiques. En clair, l’indice n’est que « l’arbre qui cache la forêt… » Le rallye de ces derniers jours sur le CAC démontre que les investisseurs commencent à anticiper une amélioration de la situation sanitaire et économique internationale. Ils veulent se repositionner en arbitrant sur des grandes valeurs cycliques mais aussi très liquides. C’est aussi l’occasion de prendre des bénéfices sur des valeurs qui ont bien valorisé (les valeurs technologiques par exemple) et de se repositionner sur des valeurs sous-évaluées dans un cadre de reprise ou injustement massacrées du fait de la méfiance générale, voire de la paranoïa de ces derniers mois.
Mais un « rallye d’indice » n’est pas un signal long pour investir massivement. Cela démontre en revanche que pour capter ces rebonds de marché violents et surprenants, il faut être toujours un minimum investi et notamment sur des trackers (lire notre précédent article sur ce sujet).

D’un point de vue macro-économique

« Slow Joe » a gagné les élections américaines et « Trump is out » mais cela change-t-il fondamentalement les données de la géostratégie mondiale donc la situation économique du monde ? Au risque de déplaire à part sur le plan de l’écologie (retour dans l’accord de Paris sur le climat), la future politique étrangère de Biden ne bougera pas d’un iota de celle de Trump dans ses objectifs finaux :

  1. Ne pas laisser la Chine prendre le leadership économique mondial ce qui laisse présager de futures tensions commerciales récurrentes
  2. Que l’Europe augmente sensiblement sa participation au financement de l’OTAN
  3. La détente au Moyen Orient entre les puissances du Golf et Israël initié

Nous pouvons juste espérer un ton plus policé et cordial ce qui est déjà très bien dans un contexte diplomatique, mais « le coup de poing » sera toujours en vigueur.

L’Europe devra faire face en étant prise en étau entre les USA et la Chine chacun favorisant ses « géants mondiaux » sur l’échiquier mondial… En 2018, selon une étude PwC, sur les 100 plus grosses sociétés mondiales : 54 sont américaines (soit 61% de la capitalisation mondiale !) et 12 sont chinoises (2 dans le top 10) et 23 sont européennes (contre 33 en 2008…). Celle-ci devra protéger ses firmes mais aussi trouver des effets de leviers pour financer une R&D toujours plus gourmande en capitaux. Ce n’est pas par hasard que BioNtech, société allemande de biotechnologie, s’est adossée à Pfizer… Ce qui est tout de même un comble et une hérésie en termes d’hégémonie économique dans un domaine, la santé, qui est un secteur à très fort potentiel futur.

Conclusion

Le rallye auquel nous venons d’assister est-il signe d’une reprise durable et d’un horizon dégagé ou alors d’un rebond technique plus euphorique que fondamental ?
Il est indéniable que le vaccin n’est pas encore là et que nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises : effets secondaires, insuffisances ou arrêt de production ou encore mutation du virus… Dans ce cas, l’attente d’une solution vaccinale est primordiale pour les anglos-européens (rappelons que la Chine et la Russie vaccinent déjà). Le seul qui ait fait une bonne affaire pour l’instant est le président de Pfizer… Quant aux données économiques, l’impact du deuxième confinement n’est pas encore dans les cours de la Bourse et la consommation est au point mort puisque le consommateur est « empêché… »
Finalement, il faut profiter des baisses pour investir, et arbitrer ses positions pour bénéficier des effets d’aubaines, mais surtout se repositionner sur les zones géographiques et les modes de gestion (cycliques, value etc…) qui vont profiter d’une reprise déjà amorcée mais encore fébrile. Le meilleur moyen reste la gestion sous mandat confiée à des professionnels.

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